Depuis l'expérience d'Œrsted, les physiciens savent qu'il est possible d'obtenir du mouvement grâce à l'électromagnétisme. Le grand défit du début du XIXème Siècle sera la fabrication du moteur électromagnétique (dit moteur électrique).
Les premiers moteurs de l'époque héroïque qui s'étend de 1820 à 1870 sont tous, plus ou moins directement, issu de l'électroaimant. La première tentative réussie date de 1839 où le russe Jacobi put équiper un bateau d'un moteur de son invention qui navigua sur la Néva. Le canot de Jacobi put avancer contre le vent et le courant, mais sa puissance se révéla modeste, de l'ordre de 3/4 de cheval ; en outre, les émanassions de la gigantesque pile à l'acide azotique, qui alimentait le moteur, incommoda les passagers et même les spectateurs demeurés sur la berge. L'essai fut jugé peut favorable par Jacobi lui-même, qui prouva peu après , dans son mémoire, que « L'électromagnétisme n'était susceptible d'aucune application comme agent moteur ».
Patterson, en 1840, présenta à l'Académie des Sciences de Paris, un moteur rotatif à palettes (fig 1). Ce système fut employé à New-York et put mettre en marche un petit tour à bois, puis en 1842, en Ecosse, il équipa une locomotive ! Celle-ci, montée sur une roue de 1 m de diamètre, put remorquer à 8 km/h une charge de 6 tonnes.
Le moteur à palette n'est donc pas sans mérites, mais la puissance maximale reste limitée. En effet, l'attraction de l'électroaimant est presque une force de contact ; elle diminue extrêmement quand la distance augmente, en sorte qu'un petit modèle de moteur fonctionnera toujours, tandis que dans une grande machine, où les distances augmentent, l'attraction tombera à rien.
C'est alors que la célèbre Machine de Gramme apparut et se mit à tourner.
Le belge Zenobe Gramme n'était ni ingénieur ni scientifique, mais un autodidacte, amateur passionné de mécanique et d'électricité.
C'est en essayant de faire de l'électricité sans produits chimiques, que Gramme eut l'idée de sa fameuse bobine ronde, l'« anneau de Gramme ». Sur un tore en fer doux, on bobine un fil de cuivre isolé, de façon à recouvrir l'anneau en entier ; les deux extrémités du fil sont soudées l'une à l'autre et l'ensemble, monté sur un arbre, est entraîné à grande vitesse au moyen d'une manivelle à engrenages, entre les mâchoires d'un puissant aimant fixe. Le courant engendré dans la bobine ronde est capté au moyen de deux balais métalliques frottant sur une partie dénudée du fil, ou, de façon moins barbare, par l'intermédiaire d'un collecteur à lames monté sur l'arbre.
La machine de Gramme était donc à l'origine une génératrice.
Qu'y avait-il de révolutionnaire dans cette machine ? Ceci que l'entrefer, autrement dit l'intervalle laissé libre entre les parties fixes et mobiles peut être aussi réduit qu'on le désire, et cela quelle que soit la dimension de la machine. Ce n'est pas vers le pôle fixe que la pièce mobile se déplace, comme dans l'action d'un électroaimant : nous avons affaire à un déplacement transversal.
Ainsi équipée, la première machine de Gramme était une génératrice de courant continu, une magnéto ; en remplaçant l'aimant par un électroaimant, Gramme en décupla la puissance et en fit une dynamo.
C'est en 1873, à l'Exposition d'Electricité de Vienne, que l'ingénieur Fontaine s'aperçut, par un miraculeux hasard, que la génératrice de Gramme était également un merveilleux moteur. Une machine de Gramme avait été installée pour fournir de l'électricité à différentes expériences d'éclairage, tandis qu'une seconde machine était placée en réserve pour être utilisée en cas d'incident. Or, par suite de l'erreur d'un ouvrier, la seconde machine resta branchée sur la première au moment où cette dernière était entraînée par une machine à vapeur : Fontaine vit alors avec stupéfaction la machine n°2 tourner, alimentée par le courant de la machine n°1.
Le moteur électrique était né et, bien qu'il subira de nombreuses modifications, il restera, dans son essence, proche de la machine de Gramme.